Je vais vous dire à quoi je m’attends: une déconfiture généralisée. La faillite de notre mode de pensée, et la fin du paradigme civilisationnel qui va avec, peuvent être actées. La question n’est plus de savoir si l’on est plutôt optimiste ou pessimiste. La question est: « maintenant qu’est-ce qu’on fait? ».
Nous participons à une grande fête hydrocarbonée. Deux siècles que cela dure. La nature va bientôt rallumer les néons. Nous aurons alors sous les yeux l’immensité des dégâts écologiques, économiques et sociaux que cette débauche a occasionnés. Les « externalités » que nous avons ignorées vont se rappeler à notre bon souvenir.
En attendant que cette lucidité nous frappe enfin, les voitures continuent à rouler. Les électeurs continuent à voter. Les entreprises continuent à développer leur capital privé en exploitant et/ou en détruisant des ressources publiques. La presse continue à vendre le mythe d’une certaine « croissance verte ». Les Etats continuent à croire (ou à faire croire) qu’ils peuvent encore intervenir…
Il y en a pourtant qui se bougent, souvent au prix d’une radicalité assumée et d’une certaine marginalité. Ils rêvent d’autre chose et ils y vont. On dit qu’il faut que 15% d’une population se mette en mouvement pour qu’une amorce de changement se transforme en tendance de fond. On en est sans doute encore loin, mais sous la barre des 15%, ils sont déjà nombreux, ceux qui expérimentent autre chose. Ils ne cherchent à convaincre personne d’autre qu’eux-mêmes. Ils investissent des micro-territoires. Ils lancent des micro-initiatives. Ils organisent des micro-événements. C’est leur insignifiance même qui rend ces expérimentations possibles. Plus grandes, plus visibles, plus ambitieuses, elles y perdraient sans doute leur âme.
Rien de ce qu’initient ces « socionautes » d’un genre nouveau n’est vraiment convaincant. Leur créativité est facile à dénigrer. Leurs conclusions sont toujours fragiles, provisoires et faciles à démonter. Leur gouvernance expérimentale s’enfonce dans les vagues au moindre coup de grain, là où la démocratie à l’occidentale, du haut de son anachronisme, semble garder fixement le cap qui nous mène à notre perte.
Toute cette énergie de transition est-elle donc déployée en pure perte? Tout cela ne rime-t-il donc à rien? Au contraire! Chacune de ces initiatives est une minuscule étincelle. Aucune n’allumera le brasier d’un hypothétique grand soir, mais considérées dans leur ensemble, ces étincelles balisent quelque chose qui pourrait ressembler à un chemin. Elles contribuent à installer un « zeitgeist » d’où quelque chose de positif pourrait un jour émerger. Bien malin qui pourra dire à quoi ce quelque chose pourrait ressembler. Essayer de s’en faire une idée serait amusant, mais passablement orgueilleux (notre insistance à tenter de prédire l’avenir s’est soldée par quelques retours de bâton notables, ces derniers temps).
Préférons donc prendre ces initiatives pour ce qu’elles sont: des utopies mises en pratique par des humains sincères et modestes, qui rebondissent entre lucidité et utopie, entre dystopie et espoir, entre courage et renoncement. Ils prennent le risque de faire l’expérience de systèmes qui restent à inventer. Aucune de leurs initiatives ne sera décisive, ils le savent, et c’est ce qui les rend légitimes.
Faire la tournée des lieux et des événements où la transition s’invente
Aller à la rencontre de ces pionniers d’un nouveau genre. Découvrir leur parcours, leurs valeurs, leurs intentions, leurs pratiques et les nouvelles compétences qu’ils développent. En rendre compte. Les colporter, les faire circuler, les mettre en relief, les mettre en lien.
Quand et comment ?
Durant l’année 2022 et 2023, en allant vivre quelques jours ou quelques semaines sur les petits bouts de territoire que des collectifs innovants se sont appropriés. Partager leur quotidien. Y conduire des interviews. Prendre des notes. Faire des photos. Continuer la route vers l’initiative suivante.
Pour en faire quoi ?
Ecrire. Partager. Rendre compte. L’écriture est mon canal d’expression le plus naturel. Je vais donc travailler sur des articles de blog d’abord, que vous trouverez ici. Peut-être un livre, en 2023, si la moisson le justifie.